Réforme du collège détricotée, quels changements à la rentrée ?
Que va-t-il rester de la réforme la plus emblématique du ministère de Najat Vallaud-Belkacem ? Depuis l'arrêté ministériel paru le 18 juin au Journal officiel, modifiant la réforme, les choses se sont (en partie) éclairées. Certes, les EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) et l'AP (accompagnement personnalisé) ne seront pas supprimés (comme annoncé initialement) mais considérablement assouplis. En effet, la liste imposée d’EPI (8 thèmes précédemment) disparaît, tout comme le nombre minimum à faire chaque année (2 précédemment) et leur mise en place dépend désormais du bon vouloir du conseil d'administration.
Une décision que déplore Jean-Michel Zakhartchouk, enseignant et rédacteur de la revue Les Cahiers pédagogiques : « Sous prétexte d'autonomie (qui n'est pas mauvaise en soi), on donne aux établissements la liberté d'un « détricotage » de ce qui a été mis en place. Je trouve dommage de ne pas laisser le temps à ces dispositifs de se déployer alors même que de véritables dynamiques s'étaient enclenchées dans un certain nombre d'établissements avec des projets interdisciplinaires de qualité, valorisant l'entraide et la coopération entre élèves. Par ailleurs, en ce qui concerne l’accompagnement personnalisé, qui introduisait la notion de pédagogie différenciée à l'intérieur de la classe, il demeure des zones de flou assez inquiétantes : va-t-il purement et simplement disparaître ? Enfin - et c'est peut-être le plus grave - il me semble que ce retour en arrière est de nature à renforcer le scepticisme des enseignants vis-à-vis des politiques, du fait de la fugacité des réformes mises en place... ».
L'esprit de mixité mis à mal
Autre disposition largement revisitée par l'arrêté ministériel : les fameuses options, appelées auparavant « enseignements de complément » et rebaptisées ici « enseignements facultatifs ». La réforme les avaient limitées à une par collège, l'arrêté rend possible leur cumul. Autrement dit, il réintroduit les classes bilangues et européennes ainsi que l'option latin/grec dans sa version pré-réforme (deux heures dès la 5e).
Pour Jean-Michel Zakhartchouk, ce revirement signe le retour à un système toujours plus inégalitaire : « Tous les observateurs savent que les options bénéficient surtout aux élèves plutôt favorisés et déjà en réussite scolaire et qu'elles sont un moyen d'être dans les bonnes classes et de ne pas se mélanger. De quoi remettre en cause l'esprit de mixité scolaire introduit par la réforme du collège, remarque-t-il. L'autre question est celle des moyens, car ils ne seront pas augmentés. Or, la mise en place des options dans un établissement coûte cher. Elle suppose donc des arbitrages budgétaires, qui bien souvent, se feront au détriment de mesures qui profitaient à tous comme le travail en groupes à effectifs réduits ou la co-intervention. »
Infos pratiques
Depuis 10 ans, PISA a montré une aggravation des inégalités sociales dans l’école française. D’après les enquêtes nationales et internationales, la France est même devenue le pays avec l’école la plus inégalitaire de l’OCDE. Lire l’enquête du Cnesco : « Inégalités sociales, comment l’école amplifie-t-elle les inégalités sociales et migratoires ? »